3 FTP ENLEVENT UN OFFICIER ALLEMAND
LE 28 JUILLET 1944 A PONTRIEUX


Le 24 juillet 1944

Yves Floury, rencontre une patrouille allemande à Frynaudour en Quemper-Guézennec, il est arrêté, trouvé porteur d'arme, son camarade Charles Le Berre réussi à échapper aux Allemands. Yves Floury fait partie d'un groupe de FTP commandé par Désiré Camus.
Transporté à la feldgendarmerie de Plouarret appelée la Maison de la Pépinière qui est un centre de torture, il y est martyrisé. Yves Floury fut assassiné au début du mois d'août 1944, son corps fut retrouvé après la Libération du secteur dans une prairie en contrebas.

A Pontieux, rue Saint-Yves, le logement d'un boucher est réquisitionné pour y loger un officier de l'armée d'occupation allemande le capitaine NUSSKEN commandant de la place de Pontrieux.

Le 26 juillet 1944, vers 20 h 30

3 FTP pénètrent dans le commerce passant par une porte située à l'arrière de la maison donnant sur la rivière Le Trieux après y avoir escaladé le mur. Pensant y trouver le militaire, celui-ci est absent, les deux personnes présentes sont priées de ne pas bouger. Après environ 20 mn d'attente l'officier arrive, s'apprêtant à monter à l'étage rejoindre sa chambre, aussitôt le responsable du groupe FTP lui fait "Haut les mains". Surpris il pousse un cri, il est alors désarmé de son revolver, ballonné, ses mains sont attachées dans son dos. Ordre est donné de baisser la grille du commerce.
Les 3 FTP encadrant l'officier sortent par la porte située à l'arrière de la maison.
Avant de quitter les lieux le responsable du groupe FTP demande aux occupants du commerce de ne pas prévenir l'autorité allemande avant un délai d'une heure, les prévenant que deux de leurs camarades restent pour contrôler le respect de la consigne. La consigne fut respectée.
D'après les occupants du commerce, les 3 FTP et l'officier durent franchir la rivière qui est large à cet endroit de 25 m et profonde d'environ 75 cm avec une barque pour passer l'autre côté de la rive, la propriétaire de celle-ci retrouvera son bien 60 m en amont.

sources : PV de gendarmeries - Archives Départementales de Saint-Brieuc


en savoir plus sur la Maison de la Pépinière de Plouaret

Article paru dans Ouest-Matin et repris dans le cahier n°2 du Comitéc pour l'Etude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord.
Témoignage de Désiré Camus.

Les habitants de Pontrieux furent terrifiés en apprenant l'enlèvement du capitaine allemand commandant la place de leur ville. Comment en plein jour, en pleine ville, les maquisards avaient-ils eu l'audace d'accomplir ce rapt ? Laissons la parole à Désiré Camus, capitaine FTP, qui dirigea l'opération.
- Voulez vous, Désiré, relater pour les lecteurs de "Ouest Matin," les détails de votre mission !
- Bien volontiers. Voilà. Pour ma part, j'étais très fatigué. Nous venions de harceler pendant plusieurs jours les Allemands de la région et j'avais pris trois jours de repos, que je passais à Plouec, sans toutefois rentrer chez moi. Mes maquisards étaient répartis dans les fermes de Quemper- Guézennec, Saint-Clet et Plouec.
Le deuxième jour, je dégustais une bonne bouteille de cidre bouché de ma "planque " en compagnie d'un de mes chefs de groupe. Colon. Un agent de liaison se présenta.
"Désiré, dit-il, je viens de la part de Jeff (1), Zoubi (2) a été arrêté, porteur d'une mitraillette, il faut que tu ailles tout de suite à Pontrieux prendre le capitaine boche. Il faut à tout prix le ramener vivant, nous le garderons en otage ".
Colon et moi restons un moment silencieux. L'entreprise nous semble irréalisable. Car, on ne peut faire descendre une compagnie entière à Pontrieux. Ça ferait drôlement de la casse, surtout chez, les civils. C'est donc un coup de main avec quelques hommes qu'il nous faut faire. Colon connaît Pontrieux comme sa poche. Il se propose de nous amener jusqu'au gîte où se trouve l'allemand.
Gaston, tu viens avec nous ?
Après réflexion, je décide de ne descendre qu'à trois : Colon, Gaston et moi même. Gaston est un jeune de 16 ans, admirable de courage et de sang froid. Il travaille dans une ferme. Nous allons immédiatement le trouver.

"Gaston, tu viens avec nous !
- D'accord. Où ça ?
- A Pontrieux, enlever le capitaine boche ".
Une flamme de joie brille dans le regard du jeune homme qui répond : "Tout de suite. Le temps de prendre ma "soufflante" et on y va".
Nous voilà partis tous les trois, cachant nos colts et nos mitraillettes sous nos vêtements.
Nous dévallons une colline boisée. Pontrieux est à nos pieds, avec sa rivière. Il est 19 h. Nous nous arrêtons un instant et mettons au point les moindres détails.
Nous traversons la rivière par la passerelle et la longeons sur la rive droite. Le capitaine allemand a une chambre à la boucherie Merrien située dans la rue principale de la ville. Le jardin de Monsieur Merrien, situé derrière la maison s'achève au bord de la rivière. Il est enclos, mais une porte le fait communiquer avec la rivière. Il s'agit pour nous d'arriver à cette porte, donc de traverser la rivière. J'avise un jeune homme solitaire, debout dans sa barque, pêchant à la ligne :
"Dis donc, amène ton navire ici...
- De quel droit...
- De celui-ci...
La vue de mon arme est d'un effet magnifique. Nous voilà tous les trois à bord et nous despendons la rivière sur 500 m. Sur la colline en face se dresse la Kommandantur. Nos coeurs battent peut-être un peu plus vite que de coutume, mais nos regards sont confiants. Nous pensons, non pas à ce qui pourrait nous arriver si l'opération est loupée, mais au contraire à la gueule que vont faire les Allemands lorsqu'ils s'apercevront de la disparition de leur patron.

Bon, nous allons l'attendre !
La descente nous semble longue. Enfin nous nous trouvons devant la porte du jardin de Monsieur Merrien. Nous accostons. Zut, la porte est fermée. Colon passe par dessus le mur et l'ouvre de l'intérieur. Nous traversons rapidement le jardin et surgissons dans la cuisine où Madame Merrien s'affaire sur ses fourneaux. En nous voyant, elle s'écrie :
- Que venez vous faire ?
- Prendre le capitaine allemand qui couche chez vous. Où est-il ?
- Mais vous êtes fous, vous allez, être pris.
- Allons, pas d'histoire, où est-il ?
- Il mange à l'hôtel Lucas, il va rentrer tout à l'heure.
- Bon, nous allons l'attendre.
Je poste Gaston dans la cuisine, Colon dans le couloir et je me place derrière la porte qui fait communiquer avec la boutique. Par une fente, je vois les gens qui passent tranquillement dans la rue. De temps en temps, quelques boches font claquer leurs bottes sur le pavé. Dans la cuisine, Madame Merrien joint les mains en murmurant des "Ma doué, qu'est-ce qu'on va devenir !... "
Voilà Jean Merrien, le patron qui arrive. Apprenant notre projet, il essaye de nous dissuader. Il craint que les boches ne mettent le feu à sa boutique. Je me mets à sa place, mais je pense aussi à mon ami Zoubi qu'ils ont arrêté. Je le lui explique. Il se tait et l'attente se prolonge.

Haut les mains !
Tout à coup un bruit de bottes. La haute silhouette du frisé apparaît dans l'encadrement de la porte. Je fais signe aux copains. Le boche avance, cambrant le torse, un petit air supépieur aux lèvres ; il marche vers l'endroit où je me trouve, sans doute pour souhaiter bonne nuit à Monsieur et Madame Merrien. Tranquillement, il enlève ses gants, sans se douter de ce qui l'attend. Je me fais tout petit derrière la porte. Mon coeur bat un peu plus fort tandis que ma main serre fortement la crosse de mon colt. Il franchit la porte. Je bondis tel un tigre. "Haut les mains ! "
Le boche suffoqué pousse un cri et met la main à son revolver. Je lui enfonce le canon de mon colt dans les côtes et de l'autre main, je saisis son étui à revolver. Gaston surgit la mitraillette braquée pendant que Colon pose le canon de son arme sur la tempe du boche médusé.
"Nicht parler, sans cela kaput".
Le capitaine allemand, devant notre air décidé, juge plus prudent de s'exécuter. Vite, nous le désarmons, le bâillonnons et lui lions les mains derrière le dos et en avant. Pour qu'il soit moins repéré, je lui jette sur les épaules la gabardine de Jean Merrien. Et nous voilà partis.
Nous traversons rapidement la rivière avec notre barque et reprenons le chemin de retour. Les gens nous voyant passer en telle compagnie restent bouche bée. Quelle audace, pensent-ils. Nous leur recommandons de garder le secret. Une fois en campagne, nous nous arrêtons à une ferme où les camarades attendent armés jusqu'aux dents. Le capitaine allemand a l'air bien étonné à la vue de nos grenades, fusils, mitraillettes et fusils-mitrailleurs. Je donne l'ordre de nous éloigner au plus vite. Nous nous enfonçons dans la campagne. La nuit tombe peu à peu. Le capitaine allemand, pensif, s'en va vers son nouveau destin, solidement encadré. Il n'y a pas de danger qu'il s'échappe. Une demi-heure plus tard, le lieutenant boche Norbert, adjoint du capitaine enlevé, se lançait à notre recherche avec une partie de sa compagnie. Un chien berger allemand devait le guider. Le flair de l'animal ne servit à rien. Nous étions déjà loin. Les autorités allemandes offraient 50000 fr à quiconque donnerait un indice permettant de retrouver leur capitaine. La population de Pontrieux était patriote dans l'âme et pas un des habitants n'accepta ces deniers de Judas.
Le capitaine allemand, malgré les recherches, malgré les offres de trahison, resta notre priponnier... "

(1) Jeff : Joseph Le Roux, responsable de maquis FTP.
(2) Zoubi, Yves Floury.